COLONISATION, UN PHÉNOMÈNE POSITIF ET DE TOUS LES TEMPS

Publié le par leblogdegeorgesdillinger

L'espèce humaine (homo sapiens) serait apparue dans le fossé de l'est africain il y a près de cent mille ans. Son émergence et son installation précoces sont attestées par de nombreux restes fossiles dans la plus grande partie de l'Afrique et de l'Eurasie. En revanche, son occupation sur les deux Amériques daterait d'une période plus récente. Grâce à un endémisme relatif, l'espèce s'est différenciée en races, bénéficiant d'adaptations à l'environnement local – en particulier climatique. Et à l'intérieur de ces races se sont différenciées des ethnies parfois fort dissemblables : comparez seulement en Afrique le pygmée de la forêt intertropicale au Bantou à la haute stature.

Les migrations de masse sont attestées depuis fort longtemps dans l'Histoire et déjà dans la Préhistoire. Elles sont probablement de tous les temps. L'Europe, étant donné son caractère de promontoire occidental de l'Eurasie, a joué le rôle de cul-de-sac final pour l'émigration issue de l'immense continent asiatique. Il est assez classique – mais chacun sait que maintenant tout peut être mis en question – de considérer que l'arrivée et l'installation des Celtes chez nous furent bénéfiques, à la mesure de leur aptitude aux progrès civilisationnels.

Alors que des continents entiers croupissaient dans le tribalisme, la sorcellerie et la magie, au Grand Proche-Orient est revenu le privilège de voir la naissance d'un sacré qui s'est étendu peu ou proue au fil du temps sur la quasi-totalité de la terre, même s'il est fort loin d'avoir séduit toutes les populations. Et ce fut successivement celui des prophètes de l'Ancien Testament, puis la naissance et la Passion de Jésus-Christ révélant au monde le Dieu trinitaire.

D'autres migrations nous apparaissent moins heureuses. Il en est ainsi de celles des Huns et d'Attila, semant la mort et la dévastation sur l'Europe – et en particulier sur la France. L'une et l'autre ont eu bien du mal à s'en débarrasser. Mais n'en fut-il pas de même de celle des Mongols et de leur déferlement jusqu'en Russie, dont l'actuel peuple tatar est un témoin ? Une des migrations les plus terribles et qui n'a jamais été réparée fut celle des Arabes après les prétendues prophéties dictées à Mahomet. Sortant de la péninsule arabe, ces hommes – nomades et donc prédateurs par nécessité et de là par accoutumance – se sont répandus sur le Grand Proche-Orient, sur l'Asie centrale, sur l'Afrique du Nord, et ont même tenté de conquérir l'Europe. En Afrique du Nord par exemple, les hordes de ces conquérants n'ont semé que la désolation, la dévastation, la ruine et la mort sur une terre qui allait entrer, pour un millénaire, dans ce qui a été appelé les "siècles obscures" par le grand géographe E.F. Gautier…

En préambule, un peu de sémantique. Avec une stupéfaction désolée, j'entends dire parfois que les immigrants – qui nous envahissent massivement depuis plus d'un demi-siècle – seraient en train de nous coloniser ! Et pourtant, les auteurs de ces propos désolants prouvent par ailleurs que les aspects négatifs imputables à cette occupation l'emportent largement sur les côtés positifs. Cela m'a choqué pour deux raisons.

La première, c'est que les termes "coloniser" et "colonisation" ont toujours bénéficié d'une connotation positive. Celle-ci s'enracine dans l'étymologie, puisqu'à l'origine le colon, c'est celui qui cultive la terre pour se nourrir et nourrir ses semblables. C'est l'immense progrès qui marque l'aurore du néolithique. Cela est attesté par l'Histoire en dépit de l'actuel raz-de-marée du mensonge calomniateur à l'égard des colonisations européennes sur les cinq continents dont on nous rebat les oreilles à tout propos et hors de propos.

La deuxième raison de rejeter l'emploi du terme "colonisation" au sujet de la présente occupation que subit l'Europe actuellement, c'est – consciemment ou inconsciemment – de nous présenter le tsunami migratoire du Sud vers le Nord que nous subissons présentement, comme le retour de bâton de notre propre colonisation des siècles derniers sur les terres d'origine de nos millions d'occupants.

Dénonçons encore en préambule une façon de faire vicieuse pratiquée par des historiens ou des intellectuels qui consiste à juger de telle ou telle colonisation sans tenir compte le moindre instant de l'état de la contrée colonisée avant l'arrivée du colonisateur. On soupèse alors – et avec quelle balance fausse et mensongère – le bien et le mal apportés par telle ou telle colonisation, sans tenir compte de l'immensité du mal affectant l'état pré-colonial, mal que le nouveau statut allait en général extirper.

Il est difficile de soutenir par exemple que la colonisation romaine sur l'Afrique du Nord n'a pas été un bien pour ce pays difficile. La pax romana fut caractérisée par ses effets bénéfiques : citons d'abord l'interruption des chicayas dans lesquels se complaisaient déjà les berbères ; les travaux hydrauliques menés à bien de la plus petite échelle – celle de la moindre bourgade –,  jusqu'à de magnifiques aqueducs comme celui reliant le Djebel Zaghouan à Tunis ; l'extension considérable de la culture des céréales – l'Afrique du Nord grenier à blé de Rome –, de l'olivier ; le réseau de communication et le cadastre, les ports, etc. On sait que l'Église de l'époque romaine a été florissante et a connu Sainte Monique et Saint Augustin, Saint Cyprien et tant d'autres.

 

Le cas de l'Afrique du Nord

Dans la période contemporaine, l'Algérie – ainsi que ses deux protectorats adjacents – se présente comme une réalisation grandiose, magnifique, qui fait honneur à ses cinq ou six générations d'artisans, unissant dans le labeur quotidien européens et indigènes.

Avant la colonisation, rappelons que ces terres n'étaient pas un pays et encore moins une nation et n'avaient même pas de nom. C'était un conglomérat de tribus trop souvent en guerre les unes avec les autres pour que les individus y fussent heureux. Et ces luttes se traduisaient par des razzias, des incendies de moissons, des massacres, et une barbarie et une cruauté confondantes. Le bey Ahmed de Constantine faisait mettre à mort – et probablement supplicier – en moyenne trois coreligionnaires par jour, gratuitement, pour le plaisir.

En plus de cette toile de fond sanguinaire, c'était la déshérence totale et radicale pour ce que nous appellerons pompeusement l'infrastructure. Les rarissimes réalisations ont été dues au labeur épuisant au point d'être meurtrier des esclaves chrétiens. Je citerai ainsi la levée de terre rejoignant la côte aux grands rochers situés 200 mètres au large – appelés avec emphase El-Djezaïr, c'est-à-dire les îles, qui allait donner son nom arabe à ce que les romains avaient appelé Icosium. Cette levée de terre fermait une darse abritée des vents les plus fréquents sur cette côte ; ou encore le seul pont existant sur le seul fleuve d'Algérie, dans la vallée du Cheliff, réalisé par des esclaves espagnols. Ajoutons seulement – mais la liste pourrait être interminable – l'inexistence totale d'hôpitaux, de maternités, de médecins, inexistence surprenante chez les Arabes qui sont censés être les précurseurs de la médecine…

Je n'évoquerai même pas les bienfaits de la colonisation faisant de cette terre d'une barbarie anachronique un pays développé et industrialisé. Des milliers d'ouvrages ont abondamment décrit cette œuvre. Dans ce domaine, seul celui qui ne veut pas voir ne voit pas et celui qui ne veut pas entendre n'entend pas. L'immense majorité des arabo-berbères l'ont reconnu, et je n'évoquerai que deux faits à l'appui de cette affirmation.

        Le premier est l'implication de troupes algériennes dans les conflits que nous avons eus à subir. Ce sont des troupes algériennes qui ont enlevé la tour de Malakoff en 1855, mettant fin glorieusement à la résistance de Sébastopol aux armées alliées. Par la suite, ces troupes algériennes ont participé sans rechigner – avec une majorité d'engagés volontaires et une minorité d'appelés – à tous les conflits que la France a eu à soutenir de 1870 à 1942-45. L'autre fait, non moins important, consiste dans la fréquentation de nos établissements scolaires par les petits indigènes – garçons d'abord puis garçons et filles – parfois installés dans des aires à habitat dispersé, imposant aux enfants de longues marches à l'entrée et à la sortie de l'école.

 

La malédiction frappant la colonisation

Devant ce palmarès une question se pose. Pourquoi et comment tout cela s'est-il cassé, en particulier après la Seconde Guerre Mondiale ?

En 1930, les cérémonies du centenaire en Algérie, auxquelles les indigènes ont participé massivement, furent de l'avis de tous une réussite parfaite. Passons sur les fêlures qu'ont constitué entre les deux guerres mondiales la création de l'Etoile Nord-Africaine et du P.P.A., partis extrémistes et déjà sécessionnistes. En revanche voyons de plus près la maladie qui a eu raison de cette entreprise qui, jusque-là, avait surmonté avec succès tant d'obstacles et de difficultés.

Revenons à l'école. Combien de fois des intellectuels malintentionnés se sont gaussés de ces leçons où de petits indigènes arabo-berbères récitaient "Nos ancêtres les Gaulois"… Certes leurs ancêtres n'étaient pas les Gaulois, mais quand leurs parents avaient risqué leur vie sur nos champs de bataille, c'était manifester notre connaissance que de leur apprendre "Nos ancêtres les Gaulois". D'ailleurs, ce qui prouve la mauvaise foi, c'est que les mêmes obsédés de ces ancêtres gaulois ne mentionnent jamais qu'il y avait également des manuels sur l'Histoire de l'Algérie évidemment spécifiques aux écoles de la colonie.

Ce qui me paraît plus important et plus lourd de conséquences – contenant en germe le drame final –, c'est que nos instituteurs très souvent – ou trop souvent – laïcs et nos manuels d'Histoire eux-mêmes propageaient leur admiration pour la fameuse, la merveilleuse Révolution française. Le dogme républicain tenait en trois mots : liberté, égalité, fraternité. Travaillés par quelques meneurs, ces enfants devenus adultes avaient des chances de penser qu'ils ne possédaient aucun de ces trois biens miraculeux… Pourquoi pas eux ?

Je me souviens de la célébration du cent-cinquantenaire de la Révolution française à Alger. J'étais parmi ces milliers d'enfants des écoles qui ont défilé interminablement dans les principales rues d'Alger en braillant la Marseillaise, le chant du Départ et le reste. Et Dieu sait qu'un quart de siècle plus tard, "un sang impur" – celui des Français et au début celui de l'immense majorité des indigènes – allait couler à flot.

Je me hasarderai dans une comparaison qui, je crois, n'est pas sans intérêt. Au fil des siècles de l'histoire de la Russie tsariste, la Sibérie a été conquise et agrégée à l'Empire de Saint-Pétersbourg et de Moscou. Cette Sibérie comprenait plusieurs provinces, musulmanes en majorité ou quasi-uniquement. Ces colonies – car il n'y a pas d'autre nom en l'occurrence – n'ont pas connu cette soif d'autonomie et d'indépendance. Mais la Sainte Russie ne leur distillait pas les messages libertaires, anarchisants, suicidaires, qui devaient nous faire tant de mal en Afrique du Nord.

 

L'islam imperméable à la civilisation et au progrès

La religion est pour beaucoup dans l'acceptation ou le rejet d'une colonisation. Dans la péninsule indochinoise par exemple, les cultes pratiqués n'ont pas armé en général une résistance lors de l'arrivée des Français et de leur pénétration. Davantage même : dès avant et a fortiori pendant la période coloniale, des conversions au catholicisme se sont comptées par millions. Il en est de même en Afrique sub-saharienne où les missions catholiques – mais également protestantes, en particulier en Afrique orientale – ont précocement et profondément pénétré un pays difficile – en particulier avec les aires inter-tropicales, leur forêt vierge et leurs maladies – et au fil du temps la moisson des conversions fut magnifique. Une fois encore, ce sont les aires islamisées telles la Mauritanie ou le Soudan qui ont été particulièrement tenaces dans le rejet d'une pénétration par ces roumis détestés, qu'ils soient chrétiens ou qu'ils véhiculent ne serait-ce qu'à leur insu l'idéologie maçonnique.

 

Les germes sociétaux du rejet de la colonisation

Après m'être quelque peu appesanti ci-dessus sur des éléments d'ordre spirituel ou idéologique, j'en viendrai maintenant à l'évolution matérielle des populations impliquées dans le phénomène colonial et son rôle dans la création et le renforcement d'un mouvement indépendantiste. Le rôle des colons pour assainir, dérocher, défricher des millions d'hectares ne recevra jamais les louanges qu'il mérite. Que de travail, que de souffrances, que d'échecs, que de ténacité ! Tout était à faire. Aux portes d'Alger, sur le site qui allait être celui du monastère de la Trappe, n'existaient à l'arrivée des moines que les broussailles, le terrible palmier-nain, les hyènes et les chacals. Et, dans toute l'Algérie, ces colons et leurs familles passaient parfois un ou deux ans sous une mauvaise guitoune prêtée par l'armée. Mais certains d'entre eux ont réussi et ont fait de cette terre de friches et parfois de lions et de panthères ce qui a été qualifié par certains dirigeants arabes dans les années 60 le pays le plus moderne et le plus développé, parmi ceux occupés par cette ethnie.

A leur image et devant les réussites, d'innombrables indigènes s'y sont mis, ont souvent réussi, et, en 1962, il y avait plus d'exploitations agricoles tenues par des indigènes que par des européens. Leur accession à notre civilisation était loin d'être cantonnée au monde rural. Cela d'autant plus que, très tôt, nos efforts avaient porté sur la scolarisation de ces petits indigènes. Et pendant toutes les dernières décennies du statut colonial, ce fut une course-poursuite entre la construction d'écoles dans le bled et une démographie explosive, fruit de nos efforts dans le domaine de l'hygiène et de la santé. Observons en passant que la propagande du F.L.N. a dénoncé ces écoles françaises qui acculturaient (?) le peuple algérien, aussi bien que simultanément ils nous reprochaient de ne pas avoir scolarisé tous les enfants indigènes… tout en brûlant chaque fois qu'ils en avaient l'occasion les écoles du bled essentiellement fréquentées par de jeunes arabo-berbères.

Cette évolution se poursuivant, les arabo-berbères sont devenus de plus en plus nombreux dans le monde de l'entreprise, du commerce, des travaux publics et même de la fonction publique. Mais alors – en dehors de toute propagande indépendantiste, laquelle malheureusement existait –, d'une part beaucoup de ces indigènes ont pensé que notre présence dans leur pays était incongrue, puisque leur propre exemple et leur carrière semblaient prouver que l'on pouvait se passer de ces roumis, mais plus gravement, ils ont souffert et été jaloux de leurs supérieurs hiérarchiques le plus souvent européens. Comme si les personnes issues de la civilisation qu'on s'est forcé d'acclimater en Algérie, n'avaient pas – naturellement et en moyenne au moins – toute chance d'être plus compétentes que les indigènes venant juste d'y accéder et provenant d'une culture toute différente. Notons bien que les sentiments que j'ai tenté d'évoquer là ne développaient pas, au début des années 1950 encore, dans l'immense majorité de ces indigènes, une revendication indépendantiste, explicite ou même implicite. Mais cette évolution rendait cette majorité moins réfractaire qu'auparavant, moins encline à écarter d'un haussement d'épaule des incitations à un combat indépendantiste. Il a suffi cependant du fanatisme, de la détermination, de la cruauté de quelques centaines d'activistes pour plonger l'Algérie dans une guerre civile, sanguinaire, dont les séquelles apparaissent maintenant irréparables. Ce sont les malheurs de l'Algérie indépendante. Mais cela est une autre histoire.

 J'entends par la locution "Grand Proche-Orient" l'équivalent du Middle-East américain, s'étendant vers l'Est plus loin que le Proche-Orient classique de nos géographes.

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